Crasson et la fête de la bière

Publié le par Jérémie "El Grêlo" Miserez

Petit délire d'humour noir de moins de deux pages de votre serviteur dans lequel l'inspecteur Crasson vomit une bonne quantité d fiel et de mauvaise foi.

Ceci prouve qu'avant d'être policier et alcoolique, il est un vrai Ajoulot en se plaignant de tout sans aucune raison... :)

Avertissement : à lire au 8e degré minimum...

bonne lecture.

Crasson et la fête de la bière

Crasson, cent soixante kilos de viande suantes posée sur une fragile chaise de bois jeta sa dame de pique dans l'âpre bataille qui se déroulait sur la table.

« Tu veux que je te parles de la fête de la bière, cousin ? Éructa Crasson tandis qu'il allumait une énième cigarette boncourtoise nauséabonde. Eh bien allons-y ! Que dire en fait ? »

Crasson et Victor était attablé au fin fond des Deux-Clefs, bistrot authentique et incontournable de la cité de Porrentruy. Le professeur et le capitaine étaient leur partenaire respectifs et fredonnaient de concert la chanson de Stefan Eicher que crachait le vieux Juke-box multicolore. Une serveuse désœuvrée essuyait des verres en jetant un regard rêveur au dehors du bar. Crasson et ses amis étaient les seuls clients.

Dehors, se faisait entendre le murmure ininterrompu d'un peuple en proie à la joie et à la félicité.

« Rien que l'idée de faire une fête de la bière chez nous et en plein été est risible. Cette saison, la masse décérébrée d'Ajoulots qui ne s'est pas encore enfuie sur les plages de sable blanc d'un quelconque pays en faillite ne consomme pas de bière. La populace qui n'a pas les moyens ou l'envie de s'exiler, elle, se gave de blanc et de rosé hors de prix tout en arrosant cette immonde piquette de vodka aromatisée ou de caipirinha et que la discussion la plus intéressante à cent mètres à la ronde sera de savoir la différence de cette dernière avec la caipiroska.

« Comment pourrais-je rester dans cette cohue abrutissante qui au lieu de s'égayer à travers la vieille-ville décide de se concentrer dans ce cloaque que devient une fois par année les Malvoisins. N'oublions pas que nous sommes une année d'élections d'ailleurs, cela veut dire que les charognards en costards et rillettes sous les bras viendra de sept heures à neuf heures serrer avec un gros sourire un nombre inimaginable de paluches qu'ils ne serreront plus pendant quatre ans une fois leur travail péripathétique terminé. Comment ne pas paraître dégoûté par ce viol autorisé de la chose publique, la république, alors qu'on nous montre un imbécile heureux glisser langoureusement son bulletin de vote dans le trou humide de l'urne.

« Ajoutons à cela nos vieux amis qui se disent rangés des voitures et qui viendront nous présenter à nous, les prêtres de l'ivrognerie, les derniers garants de la tradition de l'alcoolisme séculaire de nos aïeux, leur marmaille braillante et bruyante tandis que nous offrirons notre bien le plus précieux : notre sobriété, aux dieux de la bière.

« Parlons-en de la bière !

« Peut-on appeler bière une pisse danoise sans goût qui vous obligent à boire dix litres et à aller cinq fois aux chiottes avant de commencer à dire des conneries sans en être gêné ? Peut-on s'autoriser à engloutir des hectolitres de cervoise alsacienne dégueulasses et que certains troquets vous vendront hors de prix ? Je trouve que c'est cher payer le laxatif !

« Comment une civilisation évolué, qui se considère comme étant à l'apogée de son cycle décadent peut oser croire un instant qu'une concentration de cinq mille cons dans un espace confiné à ciel ouvert ne va pas provoqué des drames, des crimes ? Moi-même, si je suis dans l'obligation de supporter ce chaos humain qu'on nomme innocemment l'effervescence, il me vient des idées d'holocaustes et des envies de sacrifices humains sanglants à la gloire des anciens dieux païens et des démons lovecraftiens.

« Il semblerait que nous soyons un peuple de voleurs, des as de la contrefaçon de la culture des autres ! Nous avons dérobé et copié une fête bavaroise automnale et l'avons transformée en une mini-braderie sans aucun sens. C'est comme avec le Lion de Belfort. On en a fait un sanglier devant l'hôtel de ville.

« Alors non, mes amis, je ne sortirai pas des Deux-Clefs aujourd'hui, je préfère rester dans cette atmosphère calme et légèrement enfumée plutôt que de me mêler à ce coït communautaire et social qui se déroule à l'extérieur de cet établissement. Je préfère de loin consommer une bonne bière suisse et bâloise pleine d'amertume dans un vieux verre plutôt que de m'essayer à des cocktails détonnant qui feront croire à mes tripes que je viens de faire un tour sur le tagada.

« Les filles, me direz-vous, les connaissances ! Que pouic, mes frères de houblons ! Qu'avons-nous à gagner en bavant devant des catins qui se croient superbes dans leurs frusques dépassées de mode depuis plus de deux ans ? Que faire lorsqu'elles nous traineront de bar en bar, nous obligeant à traversons la rue dans tous les sens, nous faisant vider notre bourse dans l'espoir de satisfaire quelques besoins animaliers, restes ignobles et ataviques de notre héritage néandertalien ?

« Et lorsque tels des bédouins dans ce désert sans fin de l'intellect, nous tomberons sur un havre de paix, un oasis d'intelligence, ce ne sera que pour voir qu'il s'érode face aux vagues incessantes et infatigables de la bêtise humaine...

« De toute façon, après cette partie, il y aura la revanche à faire ! » Conclut Crasson en écrasant sa cigarette.

Le silence retomba à la table des joueurs. Personne n'avait bougé durant son discours et même la serveuse semblait avoir oublié qu'il n'y avait pas qu'un verre à nettoyer.

Victor poussa un soupir et coupa la dame de pique avec son nell de trèfle.

«J'ai juste proposé d'aller boire un verre ailleurs. » S'excusa-t-il en levant la main pour commander une nouvelle tournée.

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