Les playoffs de l'inspecteur Crasson : Acte IIa

Publié le par Jérémie "El Grêlo" Miserez

Les playoffs de l'inspecteur Crasson : Acte IIa

L'inspecteur Crasson, policier jurassien aussi géniale qu'alcoolisé, se voit confier la surveillance des supporters d'Ajoie qui se rendent en bus pour le match de playoffs à Martigny. Mais bien sûr, là où va Crasson, les cadavres apparaissent comme par magie. A peine a-t-il le temps de déguster un thé chaud qu'on lui annonce que le président du fan's club est mort. Crasson lâche tout pour élucider cette étrange affaire.

J'ai mis du temps pour continuer cette histoire, mais bien que j'avais déposé le décor et la majeure partie de l'histoire, je n'arrivais pas à trouver les indices qui permettraient à Crasson à trouver la solution. au bout de deux semaines j'y suis enfin arrivé. et le chapitre est un peu long donc la suite de l'acte II sera pour demain.

Pour ceux qui souhaitent lire depuis le début, voici le lien de l'Acte I

Bonne lecture.

Acte II : Les stigmates révélateurs

 

 

Le pas nonchalant de l'inspecteur Crasson aurait agacé n'importe qui. Ce n'était pourtant pas de la nonchalance ou un désintérêt pour sa mission, celle qui allait lui incomber dans les minutes à venir qui l'empêchait d'avancer plus vite, mais juste le besoin qu'il avait de remettre de l'ordre dans ses idées et surtout, alors qu'il passait à côté de la tribune visiteur, la recherche d'un puissant stimulant qui augmenterait violemment et significativement ses facultés intellectuelles. Il sonda la foule et héla tout à coup un jeune garçon qui malgré toutes les peines du monde qu'il se donnait pour affirmer sa virilité en prenant des poses menaçantes et en éructant comme tout bon mal de l'espèce ajoulotis, ne pouvait cacher son retard dans le déclenchement de son métabolisme hormonal. Il lui arracha d'une main ferme sa bière et se l'appropria manu militari.

« Inspecteur Crasson, police cantonale, déclara-t-il d'un ton officiel. Je réquisitionne votre consommation.

- Pourquoi ? Demanda le supporter ajoulot estomaqué.

- Parce que j'ai soif. »

Et il lui tourna le dos et sortit de la patinoire.

Ils se retrouvèrent dans la zone extérieure dévolue aux spectateurs visiteurs qui, bien qu'elle fut spacieuse, propre et relativement bien éclairée, aurait pu prendre des allures de camp de détention si ses hautes barrières grillagées avaient été électrifiées et s'ils avaient osé pousser le mauvais goût jusqu'à installer des miradors, quelques projecteurs et une gatling.

La nuit était tombée depuis longtemps sur ce petit coin du Valais et l'air glacial que les autochtones qualifiaient de revigorant fit frissonner l'inspecteur. Il examina quelques instants le bus à deux étages rouge et blanc qui avaient amené, lui et septante-neuf enragés, jusqu'ici. Le chauffeur, un homme dans la cinquantaine au crâne dégarni était assis sur les marches de la porte avant. Il était pâle comme un linge et se mit à bégayer lorsqu'il vit Crasson :

« J'ai préféré vous prévenir en premier, inspecteur ! Après tout, c'est vous qui aviez la charge de surveiller ces démons !

- Que s'est-il passé ? Lui demanda Crasson sans lui offrir le moindre réconfort.

- Du sang partout, au fond du bus, bredouilla-t-il en manquant de tourner de l'oeil. Je n'ai jamais vu ça et pourtant j'ai fait tous les derby à Lausanne !

- Mort ?

- Je crois, en tout cas, il ne bouge plus. » Il se tourna vers Mme Bailly qui pleurait derrière Crasson. « Elle rangeait leur chenie quand elle est tombée sur ce monsieur...

- Je vous parlerai en temps et en heure ! » Le coupa Crasson avec autorité, il se tourna vers la nettoyeuse. « Quand vous aurez fini de vous dessécher, vous aurez l'obligeance de trouver un des policiers qui quadrillent le secteur et de l'amener... ce que vous auriez dû faire immédiatement d'ailleurs. »

Et suivi d'une Agathe plus curieuse qu'émotive, il grimpa les marches.

La lumière avait été tamisé pour économiser la batterie. Cela était compréhensible mais la pauvre madame Bailly était passée, dans cette semi-obscurité à côté d'une bonne partie des ordures générées durant le trajet. Crasson manqua de glisser sur deux bouteilles de bières vides et il prit une mine dégoûtée lorsque sa main se posa sur un appui-tête recouvert d'une substance crasseuse et collante. Après un instant de réflexion, il convint que cette place était dévolu à un certain Kevin qui si ses souvenirs étaient exacts, souffrait d'une dépendance au gel coiffant de mauvaise qualité. Il rumina de méchants jurons bien sentis jusqu'à ce qu'il finit par poser le pied dans une flaque. Il stoppa net et baissa les yeux sur sa chaussure droite. La substance était sombre et visqueuse sous la lumière orangée. Elle avait coulée en rigole depuis l'avant-dernier siège du rangée de gauche pour tâcher dans une grande mare la moquette grise du car.

« C'est du sang, commenta Crasson.

- Tu en es sûr ? Lui demanda Agathe derrière lui. Tu ne vas pas toucher.

- Et le lécher pendant que tu y es ! S'écria-t-il. Apporte-moi un gobelet, une paille et une rondelle de citron pour plus de confort. »

Il avança précautionneusement jusqu'à la source de la rivière écarlate en évitant le sang. C'est alors qu'il le vit.

Ce n'était pas beau à voir. Il était vrai que le dénommé Harald Borgen, immigré danois de plus de quarante ans et président du fan's club depuis le début de la saison n'était pas un superbe étalon de son vivant. Et le trou pratiqué par une balle dans sa tempe droite n'améliorait pas son physique disgracieux de déménageur boulimique. Crasson se disait gros et et moche mais alors qu'il carburait à la gelée de ménage et aux tranches à la crème, celui-ci se dopait au cheeseburger enrichi de lard transgénique et au triple kebab d'importation. Une de ces spécialités turco-helvétiques trônait d'ailleurs devant lui, sur son plateau.

« Étouffement, peut-être, suggéra Crasson. Ou bien un arrêt cardiaque. La cause de la mort serait bien naturelle s'il n'y avait ce fichu trou dans la tête.

- Et la cervelle qui s'est répandu contre la fenêtre, ajouta Agathe.

- Oui, certes.

- Et le pistolet par terre, ajouta-t-elle.

- Le pisto... » Crasson suivi le regard de son ami et découvrit une masse sombre aux reflets métalliques, il sortit un gant de cuisine rose d'une de ses poches, y enfila sa main droite et s'empara de l'arme. « Sig-Sauer P220, il me semble. Mais il me faut plus de lumière... Oh chauffeur ! Que la lumière soit, non de dieu ! »

Quelques secondes plus tard, une clarté aveuglante inonda la scène de crime. Crasson examina méticuleusement l'arme sous toutes ses coutures.

« Une arme d'ordonnance, il me semble, étrange... marmonna Crasson pour lui-même. Ah voilà un numéro ! En tout cas ce n'est pas un suicide.

- Pourquoi ? Demanda Agathe pour la forme.

- Parce que je ne vois pas pourquoi un Danois aurait en sa possession un pistolet d'ordonnance de l'armée suisse.

- J'abonde dans ton sens, mon vieil ami, le complimenta-t-elle.

- Merci, maintenant passons à la bidoche. »

Le cadavre était en T-shirt et en Jeans et, vu son sur-poids, il fut mal aisé de lui fouiller les poches. Néanmoins Crasson ne sembla pas très intéresser par leur contenu et il se contenta de ranger le portefeuille qu'il avait trouvé dans un sac plastique hermétique qu'il trimballait toujours dans sa veste verte. Il passa par contre un bon moment à examiner ses mains et ses lunettes.

« Qu'est-ce que tu vois ?

- Que notre homme était un joueur, déclara le policier.

- Poker, PMU, Sporttip ? Demanda-t-elle.

- Non, tu n'y es pas du tout, la détrompa-t-il gentiment en lui montrant le bout des doigts du mort. Que remarques-tu ? »

Agathe approcha son visage et après quelques instants elle dit :

« Le bout de ses doigts sont noirs, et usés, ça peut s'expliquer de plusieurs façons.

- Si tu ne penses qu'à cet indice, bien sûr, beaucoup de gens se salissent les doigts et se les abîment en pratiquant leur métier. Mais ajoutes-y la myopie (il montra de l'index les lunettes) et l'oreille droite rouge et irritée. Qu'en conclues-tu ?

- Qu'il était sourd et qu'il souffrait de diabète ?

- Non et peut-être, la corrigea-t-il. Les rougeurs sur sa feuille de chou signifie qu'il utilise une oreillette mal adaptée ou bon marché. Je dirais même qu'elle est alourdi par une tige et un micro, ce qui blesse le cartilage. Quand aux yeux, je pense que c'est en partie à cause du diabète mais surtout une conséquence de trop longues heures passées devant un écran à plisser des yeux pour diriger un personnage dans un univers virtuel. Et le fait qu'il soit gros nous permet d'établir la solution de cette équation : c'est un joueur de jeux vidéos. J'avancerais même que son manque de pigmentation cutanée le rangerais dans la case tant convoitée des No-Life.

- Et est-ce que ça nous aide ?

- Non, mais la démarche logique pour arriver à ce résultat est proprement grandiose. Enfin je trouve. »

Agathe fixa longuement ce gros bonhomme qu'elle avait connu toutes ses années et lui confia une constatation qu'elle avait mûrement réfléchi.

« Tu n'as pas changé, la Crasse ? 

- Si ! La contredit-il encore une fois. J'ai grossi. Heureusement ! »

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article